AccueilAccueil  Dernières imagesDernières images  RechercherRechercher  S'enregistrerS'enregistrer  Connexion  
-28%
Le deal à ne pas rater :
Brandt LVE127J – Lave-vaisselle encastrable 12 couverts – L60cm
279.99 € 390.99 €
Voir le deal

Partagez
 

 Forgotten Hope.

Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Aller en bas 
AuteurMessage
Invité

Invité



Forgotten Hope.  Empty
MessageSujet: Forgotten Hope.    Forgotten Hope.  EmptySam 17 Aoû - 13:00

    La peinture d'un vert acide qui recouvre le mur est craquelée et le plafond est moisi mais qui s'en soucie ? Je traîne près de la porte des chiottes, même pas de verre à la main, je suis là pour le business. En fond sonore, une vieille mélodie retentit. Imagine de John Lennon. Personne ne l'entend. Ironie et absurdité du message empli d'une nostalgie à vomir. Ceux qui rêvent encore entre ces murs se comptent sur les doigts de la main... et j'en fais pas parti. Le patron vient me prendre la tête. Pas de deal dans son bar qu'il claironne. Je m'en fous, j'ai rien dans les poches, il peut rien prouver, tout est dans la cuvette, j'ai pas l'intention de me tirer. Larry me rejoint, le patron abandonne. La pioche de la soirée sera pas grandiose pour autant. Les billets glissent, faut que ça se fasse vite, il y a toujours un risque. Mais ici tout le monde finit par connaître tout le monde. Si tu tentes l'arnaque, prépares toi à l'effet boomerang, un jour tu vas le payer. En sortant, un type nous fait sa demande. Les nouvelles têtes ça sent les flics à plein nez. Faudrait pas louper un nouvel hameçon pour autant. Pile ou face. Mauvaise pioche, on file de justesse. Faut avoir l'esprit vif et courir vite sinon t'as aucune chance. Je me suis coupé la main en escaladant la barrière, ça pisse le sang.

    Je passe au dessus des corps à la ramasse dans un squat de camés. Le soleil se lève, Hannah a appelé. On a le même âge à peu de choses prêt, elle aussi, je l'ai croisé dans une famille d'accueil. Abusée par son père quand elle était petite, elle a trouvé que l'héroïne pour oublier. Elle est réglo Hannah, même quand elle tient à peine debout, elle est toujours prête à se taper la moitié du quartier en une soirée pour se payer sa dose. Ca fait cliché ? Pourtant c'est bien la réalité. Elle tremble Hannah. Je l'ai trouvé à moitié nue dans la salle de bain, les batteries à plats, les bras griffés par le manque. Le fric est sur elle, je lui prend puis je lui passe le garrot avant de lui enfoncer l'aiguille dans la peau... Envole-toi Hannah, tu l'as mérité. Elle a même pas le temps de fermer les yeux. J'en profite pour prendre une douche, ça pue par ici. L'eau rougit, ça saigne encore. Le lieu à se taper une saloperie. Je trouve de quoi couvrir la blessure et je me tire sans un regard. On jouait ensemble avec Hannah quand on était gosse, on riait en courant dans la rue... en vieillissant, tu croises les mêmes visages mais les jeux ont changé...

    Tiens, en parlant de vieilles connaissances... Enfin, vieille c'est vite dit. L'avantage avec les gamines c'est qu'elles ont encore les yeux assez brillants pour gober n'importe quoi. Tu retrouves le sourire, tu t'occupes d'elles, qu'elles se sentent regardées, tu les fais parler, leur offre de belles promesses... Puis, tu les encourages à tenter de nouvelles expériences. Leur innocence est souvent charmante et... pathétique en même temps. Mais n'allez pas me faire croire qu'elles ont pas été prévenues et qu'elles savent pas ce qu'elles font. Faut pas venir se plaindre de se faire bouffer par le loup quand on lui ouvre la porte... Mais si j'ai faim, c'est pas de la drogue que je vais vendre là tout de suite. Juste des souvenirs. La chieuse. Pourquoi je l'ai rappelé ? Un jour aussi, elle se fanera probablement. Les couleurs s'en vont pour laisser un décors fade avec un arrière goût amer.  Pourquoi elle échapperait à la règle ? Peu importe ce qui la motive, peu importe notre belle complicité passée, oui c'était une belle histoire mais aujourd'hui, je l'ai rappelé parce qu'elle alignera le fric.

    Je lui ai envoyé un message au dernier moment pour changer l'adresse du rendez-vous. J'avais rien dans le ventre depuis la veille. J'avais pas encore dormi non plus, d'où les traits tirés. Je commande un hamburger bien gras et des frites. Le mec qui tient la caisse, je lui ai déjà amené des filles qui me devaient du fric. On se fait le tour du quartier jusqu'à ce qu'elles aient remboursé. Si elles payent pas, je paye pas. C'est elles ou moi. C'est comme ça que la pitié se fait la malle. Une fois la commande passée, je vais m'asseoir contre la vitre. A peine tu t'assois que la fatigue tombe. J'attends. Ma bouffe et Imogen.
Revenir en haut Aller en bas
Invité

Invité



Forgotten Hope.  Empty
MessageSujet: Re: Forgotten Hope.    Forgotten Hope.  EmptySam 17 Aoû - 13:40
musique.

Il a fait court, encore une fois. Un message rapide, comme si j'étais juste une tâche à accomplir dans la journée, comme s'il avait fait une liste de toutes les choses à faire et qu'il pouvait cocher, à côté de mon nom, la case pour dire que c'était fait. Il a fait court et pourtant je suis encore restée longtemps devant son message, essayant d'assourdir le tourbillon de sentiments qui est né dans mon coeur quand j'ai déchiffré les mots, un à uns. Sid a dit qu'il voulait me voir, encore une fois. Alors j'ai étouffé la haine, la colère, la joie, la honte d'être joyeuse, et surtout, surtout, j'ai essayé d'effacer l'espoir. Cet espoir fou, qui est monté en moi, trop vite pour que je fasse quoi que ce soit, et dont je ne voulais pas. L'espoir, c'est l'illusion des fous, l'opium des perdants, et j'en suis pas à ce point là. Mais merde, de l'autre côté, si j'en suis pas à ce point là, c'est grâce à Sid, parce qu'il a cru en moi alors que plus personne n'était là pour espérer quelque chose de moi.
J'en ai vécu, depuis, d'autres déceptions, d'autres séparations, mais ça a jamais été pareil. Y'avais plus d'espoir. Et puis, Sid est réapparu, comme ça, au coin d'une rue. Ou plutôt non, son visage est apparu, vieilli d'au moins mille ans - on aurait dit qu'il avait eu le temps de voir l'humanité s'éteindre et qu'il croyait plus en rien - et son corps, un peu plus grand qu'avant. Mon Sid à moi, je sais pas où il était.
J'ai peur.
C'est bête.
J'ai vécu ma journée de lycée comme tous les jours, ne me souciant pas de savoir si c'était débile, si ça me servirait à grand chose, si ça m'enrichissait, d'être entourée de gens frivoles et inintéressants. J'ai passé mon temps à écouter babiller Drizzy avec un sourire attendrit ; je me suis demandée si c'est le même genre d'affection que je porte à cette blondinette que celle que Sid me portait.
Je me suis alanguie, et j'ai laissé l'espoir m'envahir, pour une fois. J'avais passé la plupart de ma vie à parler de Sid au passé. Quand il est revenu, c'était pas le même, mais peut-être qu'au fond, il est toujours là, non ? Il traîne dans des affaires louches, d'accord, mais il l'a toujours plus ou moins fait, alors, c'est pas grave ; si ça se trouve, il a été froid avec moi juste parce qu'il voulait me protéger de quelqu'un qui était dans la salle en même temps que nous. Il va surement me rendre mon argent, aujourd'hui.
Je me secoue, étouffe un rire amer.
J'ai pas envie de rêvasser au mieux, pas envie de penser au pire. Et surtout, je suis pas prête à accepter la cruelle réalité. J'ai pas la force de me battre contre le chagrin et la désillusion. Je veux dire, Sid m'a sauvée, quand j'étais petite. Peut-être qu'il attend que je fasse la même chose, maintenant. On est, a peu près, une famille, non ? On va trouver une solution.
Je frissonne. Il ne fait pas encore nuit, il ne fait pas spécialement froid, mais j'ai des frissons d'appréhension qui me parcourent l'échine.
J'ignore la petite voix qui me dit de m'enfuir loin d'ici, de ne pas y aller, de me barrer en courant loin de mes rêves d'enfants et du passer, de tout oublier. Je l'ignore parce que je sais très bien qu'elle pourrait avoir raison. Et, bordel, ça me tuerait, peut-être. Alors ouais, peut-être que je suis folle, peut-être que je suis une perdante, mais quand je pousse la porte du fast food ; mon coeur bat tellement fort - plus fort même que lors de nos premières retrouvailles - qu'il pourrait exploser ma cage thoracique. Parce que j'espère. Je connais les risques, le prix à payer pour les espoirs déçus, mais je me persuade que ça vaut le coup.
Pour Sid, je me dis ; pour Sid. Je me le répète, comme une litanie, et tout s'arrête lorsque je le vois, assis à une table.
Je m'avance pour aller passer commande, en le détaillant. Je ne sais pas pourquoi, mais l'observer de loin déjà, avant de venir lui parler, me rassure. Je suis de nouveau choquée par son air fatigué, ses cernes, son regard vide. Est-ce qu'on t'as tué, Sid ?
J'ai pris de l'argent, plus que pour payer un fast food ; pas une somme énorme non plus, mais un peu. Je lui ai déjà donné trop la dernière fois, je veux pas lui servir de porte monnaie ambulant. Bordel, l'argent qu'il m'a pris, c'était mon maigre espoir de continuer les études. Je frissonne, de nouveau. De peur, cette fois. Je veux pas sacrifier mon argent pour devenir comme lui. Je veux pas devenir une coquille vide. Je veux l'aider, mais je sais pas comment.
Inspire, souffle. L'air est infesté d'odeurs de graisse, de saleté et teinté d'illusions brisées. Mais je m'avance quand même vers lui, et me laisse glisser face à lui, sur la banquette, affrontant ses yeux vides. Renaît Sid, j'ai envie de crier. A la place, je lui adresse un sourire timide, coincé.
Salut !
Mes mains tremblent, je les cache sous la table, serrant mon sac sur mes genoux. J'agis comme une vieille devant son petit fils qui serait devenu malfrat. J'ai peur qu'il me vole, mais je ne peux m'empêcher de l'aimer et d'espérer qu'il revienne à la raison. Peut-être, au final, que c'est moi qui délire.
Autant te le dire tout de suite, j'ai pas d'argent cette fois-ci, je suis là pour qu'on parle.
Et je ris, bêtement. Un petit rire coincé au fond de ma gorge nouée qui ne parvient pas à sortir librement mais ne demande qu'à exploser.
Bordel, j'ai peur.
Peur de la nouvelle réalité de Sid.
Revenir en haut Aller en bas
Invité

Invité



Forgotten Hope.  Empty
MessageSujet: Re: Forgotten Hope.    Forgotten Hope.  EmptySam 17 Aoû - 16:00

    Si la lumière n'était pas éteinte en moi, si j'avais encore de la lueur dans le regard,  je penserais à elle en l'attendant. Je penserais à ce qu'elle avait pu devenir. Si elle était ne serait-ce qu'un peu heureuse... A ce que pouvait être ses rêves aujourd'hui... Elle avait plutôt l'air en forme la dernière fois. Est-ce qu'elle continuait les cours, est-ce qu'elle avait un boulot ? Sûrement puisqu'elle avait eu un peu d'argent de côté, assez pour me le donner. Je doute fort qu'elle l'avait volé. Monnaie chaudement conservées qui s'était, entre mes mains, vite envolée. Si je le faisais, peut être que ça allumerait quelques braises au fond de mon coeur, oui, ça pourrait me réconforter un peu de savoir qu'elle va bien. Mais je lui avais rien demandé, j'avais pas cherché à savoir et ça occupait toujours pas mon esprit parce que toute mon empathie était aux oubliettes, enterrée sous un gros paquet de terre et enfermée à double tour. Lutter pour ne pas prendre à coeur ce que tu vois, je l'avais appris au fur et à mesure, plus j'étais descendu bas dans le tunnel noir... Survivre, c'est égoïste, c'est laisser les autres derrière et avancer seul. C'est pas pour rien que les premières choses qu'on te demande, c'est d'aller tabasser tes potes, ça non plus, c'est pas une légende. La coquille vide, c'est l'image parfaite. Plus rien ne peux entrer. Parce que si j'avais été le même qu'il y a six ans, ce que j'aurais été heureux de la revoir. Au milieu des sourires étincelants, la vie serait réapparu sur mon visage. Bon sang, j'avais jamais pu aimer personne comme je l'avais aimé et elle me l'avait si bien rendu. J'aurais voulu tout savoir. La petite connexion où se trouvait tout l'amour que j'avais pu avoir pour elle ce serait rouverte d'un seul coup... quelle joie intense ça aurait été, quel bonheur véritable... que de bons moments on aurait pu de nouveau partager...

    Mais au lieu de ça, elle avait vu juste. Je rayais les étapes sur un bout de papier, rien de plus. Manger un morceau, récupérer le fric puis passer à la ligne suivante. Toujours cette même course perpétuelle... tel le lapin d'Alice aux pays des merveilles, en moins coloré. Foncer pour ne pas se faire rattraper. Fallait que je rapporte le fric, que j'accepte de nouvelles combines pour en avoir plus parce quoique je fasse, il y en aura jamais assez. Après seulement, je m'arrêterais quelques heures pour dormir un peu. Puis tout recommencera, avec les variantes du jour. Je pose la tête sur la vitre. Elle est froide. Le froid, ça calme, ça fait du bien. Elle est là. Je l'ai pas vu entrer mais je suis sûr qu'elle est là. Être aux aguets, ça t'aide à sentir ce genre de choses. Je sens son regard, je lui jette un coup d'oeil avant de le reperdre dans le lointain. J'attends qu'elle se ramène. Ce qu'elle fait. Je la regarde un peu, pas trop. Je vois les silhouettes, j'identifie, je calcule mais je regarde plus les gens. Seulement ce que je peux tirer d'eux... J'ai pas d'énergie à perdre. C'est triste peut être mais c'est la réalité de ma vie. Le problème quand tu te fermes pour te protéger du mal, c'est que tu vois pas non plus ce qui pourrais t'arriver de bien... Tu es invisible Imogen, derrière la vitre opaque.

    Je ne cache pas la vérité : que sa phrase me donne l'impression de me faire perdre mon temps. Que c'est pas ce que je voulais entendre. Qu'elle me déçoit oui. Soyons clair. Je savais bien que le manège n'allait pas durer des semaines mais sans fric, j'avais plus aucune raison de la revoir. Alors, cette fois, je la regarde. Je la scrute de mes yeux vides, comme elle dit. C'est elle qui les voit après tout, pas moi. La plupart de ceux qui vivent de mon côté de la rue ont tendance, à force d'être sur les nerfs, à bondir de colère quand on leur donne pas la réponse qu'ils attendent. Ce qu'elle venait de me balancer, ça aurait du lui vouloir, un bon coup frappé sur la table. Violent. Des menaces. En principe, ça marche pas trop mal. La peur fait lâcher le sac et tu finis par céder. Faut dire qu'à force de la faire naître la peur et aussi de la vivre au plus profond de soi, on a plus l'habitude de voir le courage de l'affrontement, de la résistance... Il y a trop à perdre. Au premier haussement de ton, il s'en va. Faut dire aussi que si je me décidais à m'énerver là, en plein milieu du fast-food peu rempli à cette heure, personne bougerait. Je pourrais la traîner dehors, la frapper, la voler. Qui la sauverait ? Oui, tu as raison d'avoir peur Imogen, j'aurais pu exploser tout de suite et t'aurais tout perdu. Mais je l'ai pas fait. Je l'aurais pu revu, il y aurait pu eu  la moindre chance d'avoir du fric. Et puis surtout, je voulais manger d'abord.

    Je la scrute de mes yeux vides. Tu bluffes Geny. Je te connais, je sais quand tu mens. T'es venu avec du fric et c'est tout ce qui m'intéresse à première vue. En tout cas, c'est ce que je veux croire parce que ça correspond à ma réalité. Je laisse ce silence glacial tenter de l'impressionner. Comme réponse à son rire nerveux, faut dire que c'était peu encourageant. Le vendeur m'interpelle par mon prénom et je me lève pour aller récupérer la nourriture. Il y a mis aussi ce qu'elle a commandé. Je ramène le tout faisant glisser le plateau sur la table avant de l'interposer entre nous.

    - J'ai pas beaucoup de temps. Vas-y, parles.

    J'ai peut être l'air calme mais la tension est bien présente. Rester maître de soi, ça aide souvent. Mais j'étais comme les autres, le mécontentement toujours prêt à sortir, la violence toujours prête à être utilisée pour arriver à mes fins. Juste un moyen parmi d'autres. C'est pas d'affronter un passé enterré et bien trop agréable qui me fait peur, je m'en rends même pas compte de tout ça. Est-ce que j'ai envie d'être sauvé ? Comment y croire ? Je crois plutôt que j'ai seulement du imaginer qu'elle voulait négocier pour tenter de récupérer son fric, ce qui serait assez crédible. Elle comptait pas se faire avoir deux fois et en prime elle tentait le tout pour le tout, elle avait sûrement préparé ses arguments. Oui, je crois que c'est cette idée là seulement qui m'a traversé l'esprit sur le moment, rien d'autre. La fatigue était bien pesante sur mes épaules. Ma vision était totalement floue. Totalement faussée. En attendant qu'elle se lance, je la quitte du regard, l'ignorant presque pour m'attaquer à mon repas. J'avais faim. Les besoins primaires, quoiqu'il se passe autour, ils fonctionnent toujours, eux.
Revenir en haut Aller en bas
Invité

Invité



Forgotten Hope.  Empty
MessageSujet: Re: Forgotten Hope.    Forgotten Hope.  EmptyDim 18 Aoû - 13:33
Il relève les yeux vers moi, sans marquer de réel intérêt. Mon coeur se serre, je regarde dehors, à travers la vitre. Temps de merde. Temps anglais, quoi. Faut quand même avouer qu'un beau soleil pour se genre de retrouvailles, ç'aurait été peut-être un peu trop optimiste. Je me racle la gorge, cherchant quoi dire pour commencer. Il laisse planer le silence, je suis sûre qu'il le fait exprès. Une petite part en moi m'hurle de fuir, d'accepter ce changement, de le traiter comme une connaissance vague - après tout, c'est ce qu'il fait, lui. Je ne bouge pas. Je suis paralysée dans ce silence glacé qui diffuse lentement son poison dans mes veines. T'es qu'une merde, Imogen. T'as cru quoi, que maintenant que t'avais vécu pas mal de merde, en revoyant ton frère tout allait s'arranger comme dans un conte de fées ? T'y as jamais cru, pourtant. Grandis, merde.
Avant que j'aie eu le temps de dire quoi que ce soit, le vendeur appelle mon... appelle Sid, qui se lève. Je fronce les sourcils en l'observant, et ne peux m'empêcher de laisser mon esprit dériver. Alors comme ça, le vendeur le connaît ? Sid doit venir ici souvent, surement. Faut croire que ça fait partie de son environnement, les fast food un peu dégueulasses, aux comptoirs des rêves brisés.
Quand il revient avec ma commande, je lui murmure un "merci" du bout des lèvres. Je suis pas sûre qu'il l'ai entendu, il aurait peut-être fallu qu'il me regarde, qu'il me prête plus d'attention que ça. Je déglutis difficilement face à la réalité qui s'offre à mes yeux. Sid, il en plus grand chose à faire, de moi. Depuis quand exactement, je sais pas. Peut-être qu'à l'instant où je suis partie, il m'a oubliée. Peut-être qu'il a prié pour que je n'appelle jamais. Je vois pas Sid en train de prier, remarque. Peut-être que je l'ai déçu, que j'aurais dû appeler avant, au contraire. Bordel, Sid, regarde moi, dis moi c'que j'dois faire pour que tu reviennes.

- J'ai pas beaucoup de temps. Vas-y, parles.
Sa voix m'envoie comme un électrochoc. Je m'étais préparée à dire pleins de choses, des phrases censées, construites, pertinentes. Mais étrangement, face à lui, je redeviens cette gamine paumée dont personne ne veut, qui a trop changé de famille d'accueil. Alors je reste muette un instant, et lui, il commence à manger. Super. Le message est clair, au moins.
J'ai le temps d'un repas pour lui parler.
Pas un repas de famille qui dure quatre heures, hein, ça serait trop beau. Le temps d'un fast food, beaucoup trop rapide. J'espère qu'il a pris l'habitude de mâcher lentement pour bien digérer sa nourriture. J'en pleurerais presque, tiens, si j'avais pas appris à être plus solide, appris à être déçue. A improviser, pas tellement, au final. Je mange une frite pour garder contenance, bois une gorgée pour essayer de dénouer ma gorge. Et puis, je décide d'être honnête.
J'veux dire, merde, quoi ! Y doit bien encore y avoir mon Sid, tout au fond, il comprendra. En tous cas, je sais qu'en moi il y a toujours une part de Geny la chieuse, à laquelle il avait par s'attacher. J'ai grandis, maintenant, j'ai mûri, aussi. On a beau avoir changé tous les deux, chacun dans une direction différente, on doit bien avoir quelque chose qui nous reste en commun. J'suis pas du genre à ressasser le passé inutilement, pourtant. Mais là... Il me manque, mon Sid. Et j'arrive pas à me dire qu'il puisse avoir disparu totalement.
Alors j'hausse les épaules. - Bah... non mais voilà, quoi. Je sais même pas ce que tu fais maintenant et tout, et puis l'autre jour, quand je t'ai appelé, j'avais besoin de toi, enfin tu sais, c'est pour ça que je l'ai fait, comme tu m'as dit. Mais maintenant, ça va mieux, hein. Mais j'voulais... J'veux toujours savoir comment tu vas.
Voilà. Je crois que j'aurais pas pu faire pire.
- Et puis, tu sais, l'argent que je t'ai donné l'autre jour... J'aurais au moins aimé que tu me dises à quoi il te sers.
Je lui adresse un petit sourire crispé, avant de me reconcentrer sur ma nourriture. Au moins, elle m'abandonnera pas, elle.
Revenir en haut Aller en bas
Invité

Invité



Forgotten Hope.  Empty
MessageSujet: Re: Forgotten Hope.    Forgotten Hope.  EmptyDim 18 Aoû - 18:07
Bonne ou dégueulasse, je mangerais toute nourriture avec le même appétit. Le goût, c'est comme le reste. Je disais vivre au présent mais je pense que je vivais plutôt dans l'après... l'angoisse du futur qu'il faut remplir. Comme les drogués en manque, qui à peine leur dose enfilée, cherche comment avoir le fric pour payer la suivante, je valais pas mieux, c'est clair. Toujours cette même course, toujours ce même cercle vicieux qui engloutis toute ton énergie. Alors non, je la regardais pas, je la voyais pas. La traiter comme une simple connaissance, oui, c'est pas faux. J'attendais son attaque en cherchant déjà comment obtenir quand même le fric. J'étais pas particulièrement inquiet non plus, parce qu'elle n'avait pas de raison d'avoir de solides menaces, mais il faut se préparer à l'improbable parfois. Oublier que c'était Imogen... Penser à elle comme d'une simple gamine à qui j'avais piqué du fric, c'était con oui mais j'avais juste pas cherché plus loin.

Comment j'avais avancé dans le temps avec le souvenir d'Imogen ? Non, je ne l'avais pas oublié à peine avait-elle passé la porte. Longtemps, mes pensées s'étaient envolées vers elle avec cette envie de la revoir, d'avoir de ses nouvelles, à me remémorer de bons souvenirs passés, à souffrir de son absence. Mais ça fait mal et j'avais pas de temps pour ça. Je lui avais laissé un numéro. Elle n'avait jamais appelé. Elle avait pas besoin de moi quoi. C'était une gamine. Le contact était rompu. Des années s'étaient écoulées. Quand enfin, elle s'était manifestée, c'est vrai que je ne l'attendais plus. Les gens que tu aimes disparaissent de ta vie, c'est pas une idée qui m'était inhabituelle. Être abandonné, seul sur le bord d'un trottoir, ne pas mériter d'être aimé. Il suffit d'une fois pour connaître ce sentiment. Deux fois pour ma part, presque trois. Ce manque cruel qui n'est jamais compensé. Cette douleur profonde qui ne trouve jamais comment s'apaiser. L'absence d'une personne qu'on aime tout simplement... Petit, j'avais rangé le souvenir de ma mère dans une boite. La boite devait être bien hermétique, l'idée étant de ne jamais pouvoir l'ouvrir. Pourtant, je l'avais ouverte... une fois, pour y mettre Imogen.  C'est pas un oubli. C'est un rangement précieux, comme on enterre profondément de doux trésors d'enfance. Le gros avantage c'est que même si tu ne les vois plus, même si leur chaleur et leur douceur ne t'atteins plus, tu sais où elles sont. L'angoisse est diminuée. Si elles ne reviennent pas, c'est parce qu'elles sont enfermées dans la boite. Et la boite, tu l'as toujours quelque part avec toi. Alors elles sont là... pas loin... silencieuses et invisibles. Sourire d'une mère et d'une soeur... J'avais pas sorti Imogen de la boite après son coup de fil... J'avais gardé précieusement le souvenir de la petite Geny que j'avais serré dans mes bras, les yeux rougis par une pseudo-conjonctivite.

Elle s'est mise à parler. Je percevais son malaise. Je ne faisais rien pour l'apaiser. Le démarrage fut un peu confus... je ne l'ai pas encouragé, j'ai attendu la suite en piquant une frite à mon tour. Et elle a continué... toujours le même fouillis, mais elle a quand même réussi à me surprendre. Elle m'a eu trois secondes. Trois secondes où j'ai arrêté de bouffer ma frite pour la regarder... la regarder vraiment. Trois secondes où j'ai revu en accéléré notre dernière conversation, il y a six ans... Trois secondes où j'ai perçu la sincérité dans son regard, l'émotion même. Trois secondes... Puis je suis reparti ou revenu au choix. Elle a reparlé de l'argent et j'ai chassé les trois secondes de mon esprit. Pour autant, ça avait toujours eu le mérite de me faire baisser ma garde. Bon, traduisons qu'elle tenait un peu prise sur son fric mais elle était dans la même optique que la dernière fois, c'était bon signe. Un léger malaise persista, malgré tout, chez moi cette fois... un petit truc étrange et sournois au fond de la gorge. Un petit truc tout minuscule comme une alerte... un petit rappel qui me disait de mieux la regarder encore. Qui me disait peut être, d'ouvrir la boite et de comprendre qu'elle était de retour... Mais les messages du corps, on les comprend pas toujours bien. Je me suis raclé la gorge et j'ai recroqué dans mon hamburger. Le truc qui gratte est passé.

Les silences sont jamais anodins. S'en mettre plein la bouche pour retarder le moment de parler, c'est pareil. Geny... la petite Geny... Pourquoi je ne sentais pas que c'était bien elle là devant moi ? Ce même côté maladroit, les mêmes traits... J'avale puis repose le tout avant d'attraper la serviette pour m'essuyer les doigts, puis de lâcher un vague soupir. La conversation prenait une tournure inattendue, mais je n'en avais pas encore conscience. Je voulais pas entendre, pas voir... les portes qu'on ferme à double-tour, elles s'ouvrent pas juste en toquant à la porte.

- De quoi t'as besoin, hein ?

Je m'étais quand même vaguement ramolli, plus abordable ? Peut être. J'avais mangé. Je la regardais plus juste comme une fille à fric. Probablement qu'on était passé au stade de la fille que j'avais connu en famille d'accueil, c'était un peu mieux... mais pas encore à la chieuse, la seule que j'aurais pu épargner, la seule que j'aurais pas voulu priver d'avenir, la seule qui pourrait éclairer un peu mon regard. Celle qui, si je la reconnaissais vraiment, entraînerait une avalanche brutale de sentiments à l'intérieur de moi. Elle en posait des questions... Mais puisqu'elle parlait du fric, n'oublions pas ce détail.

- Je t'ai pas dit, la dernière fois ? Je suis dans la merde. Ton fric, il m'a vraiment sauvé la mise, ok ? Je dois beaucoup d'argent à des types qui aiment pas du tout qu'on les fasse attendre, tu vois ce que je veux dire ?!

Si elle voulait savoir comment j'allais alors elle s'inquiétait vaguement de savoir si j'avais une chance de rester en vie dans les prochaines heures, non ? Pas de honte à jouer la carte du pathétique dans ce cas et en plus c'était la vérité, même si dans la réalité tout ne reposait pas sur ses épaules contrairement à ce que je comptais bien lui faire croire. De toute façon, elle savait bien que j'avais pas donné son argent à une association caritative. Dans ce cas, autant même lui suggérer d'imaginer de belles images sanglantes, qu'elle se sente obligée de m'aider sous peine de culpabiliser... et valoriser son don avait le même but. Faut quand même les brosser un peu ceux qui sont prêt à donner leur fric si on veut qu'ils continuent. Bon là, évidemment, je lui faisais pas de belles promesses de remboursement si c'est ce qu'elle espérait... mais face à l'urgence, faut comprendre ! Par ici la monnaie !
Revenir en haut Aller en bas
Invité

Invité



Forgotten Hope.  Empty
MessageSujet: Re: Forgotten Hope.    Forgotten Hope.  EmptyMar 20 Aoû - 14:12
musique.

- De quoi t'as besoin, hein ?
De quoi j'ai besoin ? J'ai besoin de toi. J'ai besoin de me sentir normale parmi tous ces gens. Y'en a pas beaucoup au lycée qu'on redoublé parce qu'ils savaient pas lire ni compter au bon âge. Ils ont redoublé après, plus tard. Y'en a pas beaucoup qui sont en famille d'accueil. Y'en a pas beaucoup qui rêveraient de faire leurs études mais ne peuvent pas parce que l'année après le lycée y'aura plus personne pour payer quoi que ce soit. Et des personne qu'on tout ça combiné, y'en a encore moins. Sans parler de l'histoire de mes parents. Avec toi, Sid, j'avais l'impression d'être normale. Tu sais, que quelqu'un avait quelque chose à faire de moi.
Et maintenant ?
Maintenant j'ai besoin de retrouver ça. J'ai besoin que tu reviennes dans ma vie, que tu me prouves que je suis pas une anonyme pour tout ce monde.
Mais je ne réponds pas, je continue de manger. Il me semblait que c'était clair, pourtant, que j'avais besoin de lui. Peut-être qu'il attend que je le dise de vive voix. Mais je suis pas sûre de vouloir le dire comme ça. J'ai besoin qu'il le ressente autant que je le ressens. C'est sûr que ça a pas du être pareil, pour lui. Je m'étais surement plus attachée à lui que lui à moi, qui sait... J'étais dans l'âge où on veut imiter les grands à tout prix, où on est pressés de grandir, de sortir de l'enfance. Paradoxal, compte qu'on m'avait arraché mon enfance à coup de balles en pleine tête.
Avec du recul, j'aurais préféré ne jamais avoir à grandir, à quitter ce qu'il y avait de bon, chez moi. Là, ce qui serait idéal, ça serait d'être dans la maison d'accueil actuelle, avec Drizzy et Sid juste à côté. Mais bon. Faut pas trop en demander, non plus, les utopies ont la définition d'être le fruit de notre imagination, un espoir fou et irréalisable. J'ai jamais été fantasque gamine, je vais pas commencer maintenant.
- Je t'ai pas dit, la dernière fois ? Je suis dans la merde. Ton fric, il m'a vraiment sauvé la mise, ok ? Je dois beaucoup d'argent à des types qui aiment pas du tout qu'on les fasse attendre, tu vois ce que je veux dire ?!
J'arrête de mâchonner un instant, en le dévisageant. C'est pas si surprenant que ça, en soi. Sid avait un bel et grand avenir promis, il savait ce qu'il valait. Mais j'ai toujours cru qu'il valait mieux que ça. Non, pas cru, su. Et je le sais, toujours. Merde, dans quoi il s'est fourré ? J'ai peur, encore une fois, mais peur pour lui, cette fois. Je mange lentement, essayant d'assimiler et de décrypter ses paroles. Il se drogue ? Il fait du trafic d'armes ? Je secoue la tête légèrement ; au fond, j'ai pas envie de le savoir. Pas envie de le voir comme quelqu'un d'autre que mon Sid, de le voir comme un connard assoiffé de fric qui finira soi l'arrière du crâne explosé dans le caniveau, soit derrière les barreaux.  Et tant pis si ça impliquait de me voiler la face, j'ai pas envie d'être déçue à nouveau. Pas par Sid. Pas de cette façon. J'avais manqué de voir mon monde volé en éclat la première fois que je l'ai revu, je me suis préparée pour cette fois-là.
- Ouais... ça à l'air cool ta vie, maintenant.
J'ai pas pu empêcher le sarcasme de sortir de ma bouche. Je me demande à quoi je m'attendais, en même temps. Sid était pas du genre à devenir caissier, ou à travailler en tant qu'ouvrier sous les ordres d'un patron chiant. Mon hamburger me paraît bien fade, maintenant. on dirait qu'il s'effrite dans ma bouche, qu'il devient poussière. Je crois que je suis en train de cesser d'espérer. J'ai peur de découvrir l'inconnu en face de moi.
- Et maintenant, ça va mieux, non ?
Pauvre naïve. J'ai trop longtemps vécu dans le système que ça risque pas d'aller mieux. Et j'irais où moi, l'an prochain, avec seulement mes bonnes notes en poche, rien à dépenser ? Je finirais comme tous ces gamins aux rêves trop colorés qui en finissent aveuglés. Rien du tout.
- Tu vis dans le coin ?
Ce quartier craint, c'est un secret pour personne. De toutes façons, je le vois pas habiter dans un palace. C'est pas qu'une question de moyens, c'est peut-être une question d'origine, mais je sais pas, ça collerait pas à l'image que j'ai de lui.
Revenir en haut Aller en bas
Invité

Invité



Forgotten Hope.  Empty
MessageSujet: Re: Forgotten Hope.    Forgotten Hope.  EmptyMar 20 Aoû - 16:21
J'aurais retrouvé l'assistante sociale. Elle m'aurait donné l'adresse d'Imogen, j'aurais su la convaincre. J'aurais eu un petit boulot à ce moment-là, un truc qui m'aurait plu, artisanal. J'aurais mis un peu de côté pour aller quelques jours là où elle était partie un matin triste... J'aurais sonné à la porte de sa nouvelle famille d'accueil, je lui aurais fait la surprise bien sûr, le sourire aux lèvres et je l'aurais embarqué pour la journée. Je sais pas, on aurait pu aller au cinéma, manger des glaces, faire les magasins... tout ce qui aurait pu lui faire plaisir, j'aurais tout payé comme un vrai grand frère, le héros dont on rêve, ça l'aurait impressionnée Geny. Je l'aurais vu rire, j'en aurais fait trop... Bien sûr, je serais reparti mais... en promettant de revenir. J'en aurais été fier, ça aurait pas été des paroles en l'air. Cette promesse, je me l'étais faite un jour, il y a longtemps. Une promesse ou plutôt un rêve fou... Quand je m'étais retrouvé seul comme un con, quand je savais qu'elle était seule là-bas elle aussi, quand elle me manquait trop, quand je savais encore à quoi ressemblait l'espoir même s'il se faisait de plus en plus petit, quand les rêves m'aidaient encore à m'évader. Sauf que ce rêve, il devait être trop ambitieux j'imagine... j'ai jamais été ce type-là. J'y ai cru, un peu, grâce à elle mais c'était qu'une illusion. J'étais qu'un mec paumé dont les yeux brillaient un peu trop. La réalité m'avait rattrapé.

Merde. J'aimais pas son ton sarcastique. Quelle raison j'avais d'être à ce point susceptible ? Ben alors Sid, tu l'assumes par la déception dans son regard, c'est ça hein ? Geny, ce que t'aimais c'est quand elle te regardait avec ses grands yeux pleins d'amour. Ca y est tu commences à le sentir maintenant hein ? Tu commences à le sentir monter au fond de toi, pas vrai ? T'auras pas tenu longtemps devant son indifférence, dis-moi. Minable. Pathétique. Et tu joues les durs ? Elle est bien plus forte que tu le seras jamais. Tu croyais que tu pourrais la jouer la comédie devant elle ? Mais la différence justement, c'est qu'elle te connait. Elle sait qu'au fond, c'est pas vraiment toi tout ça. Pourtant si. Je suis bien ce type-là aujourd'hui. Qu'est-ce que je pourrais être d'autre ? C'est trop tard. C'est plus une gamine, Geny. Elle en a vu d'autres, Geny. Elle est pas assez naïve pour tomber dans ce panneau. Je pensais pas capituler si vite, oui, elle venait de gagner une manche avec toute sa simplicité. Discours efficace, juste ce qu'il faut pour mettre le doigt où ça fait mal. Oui, ces yeux sont désormais comme un miroir tranchant renvoyant ma connerie. Je me sens minable. Geny, elle a jamais été comme les autres... Si seulement, on pouvait remonter le temps, revenir en arrière... On fait tous des mauvais choix, seulement certains sont plus mauvais que d'autres. Merde.

Faut pas s'éterniser. Elle venait de me faire vaciller. Oui, juste avec une petite pichenette de rien du tout, preuve de la solidité de mon univers merdique. En même temps, j'étais à bout. A bout de souffle. Oui, je vivais ici, dans ce quartier infernal. Si ça allait mieux, putain, j'y crois pas. Qu'elle aille se faire voir ! Ah, c'est plus facile quand tu traînes qu'avec des miséreux qui crèvent au bout du tunnel de la vie, c'est plus facile finalement d'affronter ça. Dans leur regard au moins tu te reconnais. Plus facile que d'affronter les rêves déchus, la désillusion, les fantômes du passé. Même de bouffer la poussière entourée de coups et d'insultes, c'est plus facile. Plus facile que de l'affronter elle... là tout de suite.

- Tu fais chier, Geny.

J'ai pas été agressif, presque calme. Ce surnom... ce surnom, il avait pas passé la frontière de mes lèvres depuis longtemps. Pas de doute cette fois, c'était bien la chieuse que j'avais en face de moi. Elle, qui me faisait me sentir tout petit. J'avais la haine au fond de moi. Tu vois, c'est pour ça que je suis jamais venu. Parce qu'en vérité, j'avais rien à lui offrir à Geny. Oui, quand elle était encore innocente et naïve, je pouvais donner le change mais c'était fini tout ça. La réalité était en face d'elle. J'étais une merde pitoyable et rien d'autre. J'aurais préféré lui prouver autre chose. J'aurais voulu être quelqu'un. J'aurais voulu avoir la tête suffisamment haute pour qu'elle puisse me regarder comme autrefois. Et surtout oui, j'aurais voulu être capable de la soutenir, de l'encourager comme je le faisais à l'époque. J'aurais voulu être capable de la faire sourire. J'aurais voulu pouvoir m'occuper d'elle. J'aurais voulu pouvoir l'écouter me raconter ce qui la préoccupait et l'aider à trouver des solutions. J'aurais voulu qu'elle soit toujours une petite soeur. Mais tu vois Geny, j'ai même pas la force d'essayer de faire bonne figure, même pas la force de mentir pour que tu puisses encore y croire. Oui, je suis pas fier de l'épave que je suis devenu, je suis pas fier non plus de la manière dont je vis, et j'aurais préféré que t'en saches rien. Je préfère toujours que tu saches pas. Tout ce que tu vois pas. Tout ce que tu peux même pas imaginer. Et me dis pas qu'avec tes questions, c'est ça que t'as envie d'entendre. Alors crois-moi, vaut mieux que t'oublie que t'avais un frère. C'est de ma faute. J'aurais pas du la mêler à tout ça. Je me suis engouffré moi-même dans ce piège. Je pensais juste que je saurais tourner la page. Mais on a tous nos points faibles... le mien, c'était Imogen. Celle qui m'avait donné tant d'espoir... En tout cas, ça m'a coupé l'appétit.

- Files-moi le fric ou tires-toi.

C'est violent un miroir. Froid, dur, intransigeant. Parfois je me demande pourquoi je fais tout ça... ce serait juste tellement plus simple de monter en haut d'un immeuble et de sauter dans le vide. La mort fait peur mais franchement, elle pouvait pas être pire que ma vie aujourd'hui. J'ai lâché mon masque de froideur, j'ai juste senti le vide devant moi. Immense, profond, noir, plongeant. Ici, il faut tellement résister, tellement lutter que quand tu lâches, tout se décompose, comme si ma peau devenait coulante, liquide, purulente. Avec juste le désespoir au bout du rouleau. Merde. Tant pis pour le fric, qu'elle s'en aille, je lui volerais pas son sac au coin de la rue. J'avais pas envie de me battre avec elle. Et j'avais encore moins envie de parler. Les parties se jouent vite ici, t'as gagné, Geny. C'est fini. Je vais pas te répondre gentiment avant de te renvoyer la balle. J'ai plus le coeur à ça. Geny, c'était une fille intelligente, elle fera pas les mêmes conneries alors autant qu'elle m'oublie, autant que je reste ce connard qu'elle vient d'affronter et qu'elle reprenne sa vie où elle en était. Je lui apporterais rien de bon. Que des emmerdes. Il y en a assez à affronter dans la vie comme ça pour qu'elle s'encombre des miennes. Si tu restes, ça va mal finir. Je peux rien pour toi. Sauves-toi, Geny. Trouves des solutions, essaye de t'en sortir. Alors si, vas-y, regardes-moi, regardes-moi une dernière fois, et surtout, surtout ne ressemble jamais à ça. Tu le sais hein ? Prouves-le maintenant.
Revenir en haut Aller en bas
Invité

Invité



Forgotten Hope.  Empty
MessageSujet: Re: Forgotten Hope.    Forgotten Hope.  EmptyDim 25 Aoû - 21:06
Je croise le regard de Sid, un instant.  En soi, c'est déjà un exploit, parce que déjà la dernière fois, il ne m'a pas vraiment regardée. C'est pas par honte ou par gêne, malheureusement pour moi, c'est juste une indifférence froide. Il a jamais fuit mon regard. La première fois où on s'est vraiment regardé, j'ai rien vu dans ses yeux.
Mais cette fois... Cette fois je commence à espérer de nouveau. Il y a enfin une lueur qui brille, dans son regard, comme s'il me retrouvait, moi et mes questions débiles. Mes trop nombreuses questions que je n'avais jamais pu poser à qui que ce soit, qui l'emmerdait, il fallait le dire, mais combien il m'a soutenu en y répondant. C'était pas des questions existentielles, c'était des trucs cons, et en y repensant, vraiment, vraiment lourds, c'est pour ça que j'étais Geny la chieuse, parce que je posais des questions débiles, et le pire ; c'est que j'attendais qu'on y réponde, et je lâchais pas l'affaire. Pourquoi le soleil se levait pas toujours à la même heure mais qu'il apparaissait toujours à droite de la maison, pourquoi les garçons de mon âge aimaient pas les filles, pourquoi on me disait pas normale parce que j'avais pas de père ni de mère, à quoi ça sert les prisons, est-ce qu'un jour je reverrais tonton. Le genre de questions que tout le monde cherche à éviter, parce que c'est chiant à répondre, ou qu'on a pas envie d'heurter qui que ce soit avec la vérité.
- Tu fais chier, Geny.
Et je souris.
Je risque un regard vers lui, j'ai une agréable sensation de déjà-vécu ; parce que cette phrase, il me l'a souvent sortie. C'est pas des jolis mots à dire à une gamine, mais c'était la réalité. Sid, il voyait pas l'intérêt de me mentir, et il va pas commencer maintenant. Même s'il semble avoir développé une habilité à changer de sujet pour ne pas avoir à répondre à mes questions et en dire le moins possible sur lui. Mais là, à cause de cette simple phrase, ça ne me dérange pas. Je réalise à ce moment là à quel point ça m'a manqué, tout ça. Bordel, c'est lui, ma famille.
J'hausse les épaules et continue de manger tout en le regardant. Je me sens légèrement euphorique, euphoriquement légère.
Et puis ma bulle explose d'un coup.
- Files-moi le fric ou tires-toi.
Je reste interdite pendant un moment, cessant toute activité. J'aurais été encore totalement Geny la chieuse, je me serais mise à pleurer. Sauf que cette fois, y'aura personne pour lever les yeux au ciel, soupirer d'exaspération et essuyer mes larmes gentiment. Mais je suis plus une gosse, j'avais déjà eu un aperçu de ce nouveau Sid la fois de nos retrouvailles. Bordel, Sid, tu m'avais donné ce numéro pour si MOI j'avais besoin de toi ; pas l'inverse ! C'est égoïste, cette pensée, mais je préfère encore être égoïste, là, que matérialiste comme lui.
J'aimerais lui cracher à la gueule, comme je le ferais pour n'importe qui, j'aimerais lui dire que de toutes façons, je peux vivre sans lui - et ça serait pas faux, si ? j'ai bien vécu plus de dix ans sans lui - , vivre en sachant qu'il me détestera.
Mais je le fais pas, parce que je sais que c'est faux. Parce que c'est Sid, merde, pas "n'importe qui". Et ça me tue, de le retrouver un instant pour le perdre encore plus tout de suite après.
- j't'ai dis que j'ai pas d'argent. J'peux te payer ton repas, là, c'est tout.
Et c'est déjà trop, je le sais. C'est pas assez pour lui, je le sais aussi. Je devrais rien lui donner, je m'étais promis que je le ferais pas. Je me déteste et je le déteste d'être si faible face à lui.
Mais je devrais faire quoi ? Cracher sur mes rêves d'enfant comme il semble l'avoir fait depuis longtemps ? Me tirer, comme ça, tout abandonner derrière moi, laisser en plan la seule partie à peu près stable et saine de ma vie, partir sans me retourner et me foutre d'être blessée. Non, c'est pas pour moi, ça. Je pensais retrouver du confort, du réconfort auprès de Sid. Je peux pas partir. Je veux pas.
Alors je ravale ma fierté tout en tentant de la sauver. Je me bats lâchement pour ne pas faire face à un fantôme.
Revenir en haut Aller en bas
Invité

Invité



Forgotten Hope.  Empty
MessageSujet: Re: Forgotten Hope.    Forgotten Hope.  EmptyLun 26 Aoû - 12:37
C'est vrai qu'elle m'en avait sorti un paquet des questions chiantes... Elle était la championne dans le domaine. Mais honnêtement, si j'avais continué de pester à chaque fois, j'avais fini par les aimer ces questions. Aimer chercher des réponses. Parfois crues. A quoi bon mentir ? Mais répondre. Il y a tellement de questions à la con. Tellement de questions qui restent toujours sans réponse. Derrière l'ombre, j'étais un rêveur. Mais ça c'était avant, comme dirait une certaine pub. Alors, cette fois, je m'énerve. J'espérais qu'elle avait le fric et je commence à croire que je me suis planté. Faut vraiment que je fasse une croix dessus. C'est pas si dramatique. Mais si elle a pas le fric alors j'ai aucune raison de la voir, ni même de la revoir un jour. Et merde, ça me fout en rogne. C'est con, d'autant que je crois que c'est pour de mauvaises raisons, oui je me fous du fric là tout de suite, je suis dans la merde, qu'elle m'en donne ou non, ça changera pas grand chose au fond. Par contre, l'avoir en face de moi, ça me fait autant de mal que de bien. Ça me rappelle qu'elle a vraiment existé et en même temps tout ce que j'ai perdu depuis son départ. Moi, moi, moi. Moi aussi, je suis égoïste. Parce que quand ça va pas, c'est avec toi-même que tu rends tes comptes. Alors qu'être deux...

- Putain, si tu l'as pas, qu'est-ce que tu fous là ?

S'attendrir, c'était la dernière chose à faire. Ce numéro, elle l'avait depuis six ans, les intentions changent en six ans, faut le savoir. J'avais changé. Cette fois, j'avais été violent, juste un geste, rien contre elle. Mais assez pour exprimer cette rage qui m'animait. Je soupire avant de me prendre la tête dans la main. Merde. Geny... petite Geny, où est-ce que tu vis maintenant ? Comment tu t'en sors, vraiment ? Non, je veux pas le savoir. J'ai pas besoin de le savoir. Je crois que j'allais craqué, je crois que j'allais lui parler... Lui faire comprendre au moins, qu'au fond de moi, j'avais toujours cette envie de la protéger de tout ça, même si j'étais qu'un vrai connard pour le reste. Idiot. En quoi, j'avais pu réussir hein ? Qu'est-ce que j'avais fait pour elle, à part sécher ses larmes et la regarder sourire pendant quatre ans ? Ca valait quoi ça ? Pas grand chose. Et maintenant quoi ? Je pouvais pas craquer. Je pouvais pas faiblir. C'était bien trop absurde, juste de beaux mensonges, comme ceux d'autrefois. Il y avait rien de vrai, juste des illusions, faut pas tomber dans ce panneau. Heureusement mon portable s'est mis à sonner, ça m'a sorti de cette situation qui commençait à trop me tirer par les sentiments. Je me suis reculé, j'ai pris le portable dans la poche de ma veste et j'ai décroché. Sur l'écran s'affichait le nom de Larry mais la voix au bout du fil, c'était pas lui.

- Merde ! Merde !!! ... Ok !

J'avais compris pourquoi elle était là, pourquoi elle restait. Pas la forme, mais le fond. Elle devait bien s'en rendre compte qu'elle avait plus rien à attendre de moi, non ? Mais elle avait toujours été têtue la petite Geny, elle lâchait jamais jusqu'à ce qu'elle obtienne ce qu'elle voulait. Je le savais, parce qu'elle avait bien souvent réussi à m'avoir. Je finissais toujours pas céder au fond. J'avais pas sa force de caractère. J'aimais les choses simples. Alors pourquoi je me compliquais autant la vie aujourd'hui ? Allez savoir, les événements se déroulent rarement comme on les prévoit. J'avais raccroché à peine ces quelques mots lâchés, représentatifs de cette même idée. La situation était pas si alarmante, ça doit être un réflexe de tout prendre avec autant d'intensité. Contrairement à moi, il s'était fait coincé. Mais il avait eu le temps de filer le reste de came et son portable. Ils avaient rien pour le garder, rien pour le serrer. Ça faisait chier quand même. Et il fallait que je récupère la drogue avant que quelqu'un d'autre ne le fasse. J'ai regardé Geny en silence, plusieurs longues minutes, comme si je réfléchissais, c'était pas vraiment le cas. Elle voulait pas comprendre ? Alors j'allais lui donner de bonnes raisons d'abandonner. En douceur. Me tirer, puisqu'elle voulait pas le faire, j'aurais pu aussi. Mais ça lui aurait pas suffit à la Geny. Je sais que c'est moi qui l'avait appelé mais il fallait bien mettre une fin à tout ça.

- Viens avec moi.

Parfois, on se fait juste des idées sur ce qui est important. La plupart du temps, on se plante mais comme on le fait à plusieurs et que chacun a sa vision de la chose, alors ça fonctionne. La vie, c'est aussi ça. On fait ce qu'on peut, sans jamais savoir. J'avais pas vraiment envie qu'elle parte. Si je m'en voulais de le ressentir, je commençais à apprécier de la voir. Pas au point de me réjouir, pas au point d'en être vraiment content, mais au point de juste ressentir sa présence comme quelque chose de réconfortant. Comme un léger souffle... Peu importe ce qui s'était passé autrefois, peu importe ce qui pousse à agir. Je lui devais au moins ça. Disons en échange du fric qu'elle m'avait filé la dernière fois, comme ça on reste ancré sur le présent.

Je l'ai pressé, poussé, sans lui laisser le choix, parce qu'il était hors de question que je la laisse réfléchir et parce que je l'étais aussi. J'ai payé parce que je lui piquais du fric ok, mais je faisais pas la manche dans le métro non plus et parce que pour le coup, j'avais compris que j'avais plus grand chose à tirer de ce côté-là, il y avait pas de raison pour qu'elle croule sous le fric. J'ai salué le mec de la caisse en même temps, je comptais bien le garder dans ma poche. Les commerçants, faut les avoir avec soi, ça sert toujours. Services mutuels, il s'en plaignait pas. J'ai entraîné Geny dans la rue, dans ce quartier pourri où j'étais suffisamment connu pour pouvoir y entraîner une jolie fille, sans qu'on nous emmerde au passage. J'évitais pas les rues agitées, je marchais d'un bon pas, ce quartier, c'était chez moi. J'attendais qu'elle parle la première, qu'elle laisse tomber, qu'elle se méfie ou qu'elle me suive simplement. Qu'est-ce qu'elle a grandi, Geny, j'ai encore du mal à m'y faire...
Revenir en haut Aller en bas
Contenu sponsorisé




Forgotten Hope.  Empty
MessageSujet: Re: Forgotten Hope.    Forgotten Hope.  Empty
Revenir en haut Aller en bas
 

Forgotten Hope.

Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Revenir en haut 
Page 1 sur 1