L'heure du couvre-feu approche :
» Tu te presses un peu pour rentrer.
» Tu t'en fiches, personne ne le respecte.
» Tu ne peux malheureusement pas rentrer : c'est justement maintenant que tu te lèves !

Tu te sens suivi(e) :
» Tu accélères le pas et empruntes des raccourcis.
» Tu t'arrêtes et vérifies si ce n'est pas ton imagination qui joue des tours.
» C'est toi, qui suis des gens et non l'inverse.

Un gros titre parle d'un meurtre dans le quotidien local :
» Tu ne veux pas savoir, tu n'as rien à voir avec tout ça.
» De toute façon, c'était lui ou toi ...
» Tu t'empresses de faire l'historique des comptes que tu dois pour ne pas finir pareil.

Bristol c'est :
» Un enfer, tu n'attends qu'une chose c'est de pouvoir enfin partir.
» Une ville corrompue; tout ce que tu veux, c'est retrouver la ville accueillante que tu connaissais.
» Ton terrain de jeu, sans aucun doute.

Choisis une suite de mots :
» Imprévu, adrénaline, action.
» Calme, obéissance, patience.
» Danger, débauche, solitude.

À PROPOS DU JOUEUR:

Code:

[b]simone nobili[/b] - casi frémont.

T'aimerais savoir pourquoi ce p'tit brun qui regarde les poissons comme ça, la tête enfoncée dans sa veste nike, sa capuche sur la tête. T'aimerais savoir pourquoi on voit pas ses yeux, pourquoi il ne sourit jamais. T'aimerais savoir pourquoi il joue les mecs mystérieux et s'il a voyagé. T'aimerais savoir qui c'est ce p'tit con toujours assis sur son banc, t'aimerais savoir pourquoi tu comprends jamais rien de ce qu'il dit. T'aimerais savoir d'où vient son accent, s'il porte du vernis. T'aimerais savoir pourquoi tout le monde le connait,  mais personne ne sait qui c'est. Tu te poses trop de questions et en même temps tu as entièrement raison.

Mais c'est qui lui, un petit français qui croit pouvoir réussir de l'autre côté de la Manche ? Un gamin au sourire d'ange, à l'attitude trop bourgeoise ? Un sois-disant rebelle qui pense pouvoir faire chier papa, maman, en venant foutre en l'air sa vie dans cette ville anglaise ? Franchement il a pas l'air con, assis sur son banc à attendre la mort. Il pourrait être n'importe où et nulle part, il pourrait surtout être ailleurs que là. Il pourrait éviter de passer ses nuits assis sur ce banc minable, penser ses nuits d'insomnie à enculer les mouches. Il aurait pu avoir un avenir tellement plus radieux que de devoir regarder à droite et à gauche avant de parler à quelqu'un, de garder, très près du corps, une lame de couteau. Il aurait pu vivre tellement mieux que dans cet appartement minable sous les toits. Il aurait pu avoir un autre ami que son clebs blanc et gris. Il aurait pu, si seulement il avait réfléchi plus de trente secondes. S'il n'avait pas regardé sa feuille d'examen plus d'une minute, s'il n'avait pas hurlé « nique le système » avant de sortir de cette salle de classe. En faites il aurait pu faire n'importe quoi que cela aurait été mille fois mieux que ça. C'est un putain cliché, je le sais, tu le sais, il le sait. Il en a conscience, il y pense, tous les soirs, tous les jours, dès qu'il sort de chez lui, la dure réalité il se la prend en pleine poire. C'est tellement pathétique qu'il en a envie de vomir, dégueuler le plat de nouilles qu'il a tenté de manger comme petit-déjeuner alors que le soleil partait se coucher. Il aspirait à mieux Casi, même si son prénom ne montre pas tout le potentiel qui se cache sous cette solitude maladive. Mais non, il a préféré foutre en l'air sa vie, il a préféré venir se perdre dans un autre pays. Et tout ça pourquoi ? Un banc minable, devant un pub minable, sous un lampadaire qui grésille et plonge la rue dans le noir toutes les quatre minutes et demies. Il est déçu de lui-même, Casi, il est déçu du monde, de la vie, du bonheur, surtout le bonheur. Enfin, qu'est ce qu'il peut dire du bonheur ? Il sait pas ce que c'est, le bonheur, il l'a jamais connu manière.


BRISTOL, UN SOIR PRESQUE COMME LES AUTRES
Il fait nuit, il fait froid. Pourquoi avoir est-ce qu'il s'obstine à vouloir passer ses nuits sur ce banc? Il aurait tout aussi bien pu rester chez lui ce soir, manger seul et apprécier une soirée des plus tranquilles. Rien de compliqué, juste du simple et surtout quelque chose qu'il n'a pas fait depuis longtemps, trop longtemps. Depuis un moment déjà ses soirées se résument à se traîner jusqu'à ce bar miteux dans le centre, s'asseoir sur son banc, sous son lampadaire en attendant quelqu'un et ramper dans le premier bus de la mâtiné pour essayer de rentrer chez lui en ayant toujours une forme plus ou moins humaine. Ce soir, il sait pas ce qu'il va faire, mais il y va, il fonce tête baissée. De toute manière, il n'a pas vraiment le choix, il ne pense plus à ce qu'il doit faire le soir, il ne réfléchit plus, à se demander s'il doit, s'il peut ou pas. Il y va et c'est tout.
Assis, quelques mètres au dessus du sol, dans ce bon vieux bus qui l'a transporté plus d'une fois, le garçon regarde partout et nul part, comme à son habitude. Il adore poser les yeux sur les jeunes filles, toutes habillées pour aller danser, espérant choper un mec dans la soirée, le ramener dans leur appartement minable de Bristol, puis le jeter sans scrupule dès que le soleil sera à son zénith. Et il les regarde, il les observe, il fait ce qu'elles espèrent toutes, attirer l'attention d'au moins un garçon, juste un. Il suffit qu'elles aient gagnés les quelques secondes qu'une personne, du sexe masculin, a perdu à regarder leurs jambes parfaitement épilées, leur jupe beaucoup trop courte et leur décolleté trop plongeant ou leur maquillage à faire peur un aveugle, pour qu'elle pense avoir réussi leur soirée. A ce moment-là, elles se retournent vers leurs copines pour pouffer, parce que c'est ce qu'elle font de mieux ces pouffes. Mais ce qu'il fait le garçon, lorsqu'il détaille de cette manière ces petites enfants qui ont voulu grandir trop vite, c'est essayer de savoir pourquoi elles se cachent derrière autant d'artifices, qu'est-ce-qu'elles essaient de cacher, quelles sont les plaies à vifs qui gisent derrière ces pansements de fortune, il est curieux à mourir, il veut savoir, tout voir, tout vivre.
Ce soir, il les remarque, une à une il les détaille, il ne sourit pas, il pose simplement les yeux sur leurs silhouettes, puis il passe sur leurs copines sans demander son reste. Mais ce soir, son regard se pose quelques minutes, non en vérité le temps d'un trajet, de longues minutes donc, sur une jeune fille pas comme les autres. Il ne l'avait pas vu en rentrant. Elle est, là, assise avec un siège vide à côté d'elle, elle est seule, en position de fœtus, les pieds sur le siège et les bras qui entoure ses jambes fines, elle regarde par la fenêtre du bus, elle regarde le vide, le noir, l'absence de toute forme de vie dans la pénombre. Elle est ailleurs, perdue, sûrement aspirée par la musique qui passe dans son casque Marshall. Lui il est assis à quelques sièges d'elle, de l'autre côté du petit couloir, les pieds sur le siège vide à côtéde lui et il est aussi  aspiré par ce qui passe dans ses écouteurs, écouteurs qu'il a volé il y a seulement quelques jours, il ne sait plus à qui, ni pourquoi, il sait juste qu'il s'est réveillé un matin avec cette paire d'écouteur beats by dre posé sur son bureau. Il n'avait pas cherché à comprendre et avait accepté le présent.
Il tape sa main, en rythme, contre sa cuisse tout à ayant bloqué son regard sur cette petite rousse. Il ne sait pas pourquoi, il ne l'avait pas vu en entrant dans le bus, sûrement parce qu'il y a d'autres personnes qui ont tout de suite attiré son regard. Un clochard endormi qui marmonne des choses incompréhensible, un groupe de copine qui rit beaucoup trop fort en se dandinant au rythme de la discussion, une mère et ses deux gosses qui font forcément un caprice au dessus du sol comme si sur terre ça ne suffisait plus, et puis une bande de racailles en carton au fond de l'autobus qui se croit fort parce qu'ils posent deux mesures sur une instru, lui ça le fait doucement rire. Mais cette fille il ne l'avait pas vu, elle lui était comme apparue. Il s'était d'abord senti observé, comme si quelqu'un, de loin, te regardes faire, te regardes sortir ton téléphone, répondre au dernier message que tu as reçu, le ranger, puis changer la musique qui passe, parce qu'elle passe continuellement dans tes oreilles et que tu commences en avoir marre, comme si quelqu'un trouvait intéressant de te regarder te gratter l'arrière du crâne, tousser ou de te fixer pendant que tu remets ton bonnet en place. Pourtant c'était exactement ce qu'il avait ressenti. Son regard avait balayé la rame et  il l'avait vu, assise comme apeurée contre la fenêtre. Il avait croisé, furtivement, son regard dans la vitre. Il avait senti leurs regards s'entrechoquer violemment dans la vitre du bus. Et puis plus rien, il l'avait simplement regardé, il l'avait détaillé pour arriver à se souvenir de sa petite silhouette frêle. Elle ne devait pas être très grande, en tout cas elle ne devait pas le dépasser. Elle avait les cheveux bruns et mi-long. Elle n'était pas non plus très épaisse et portait très bien le jean slim, pas comme toutes ces filles qui pensent qu'elles peuvent rentrer dans un 40. Elle n'avait pas l'air de vouloir se faire remarquer, de vouloir attirer le regard, elle avait l'air de vouloir passer inaperçu, et pas seulement parce qu'il est déjà trop tard pour qu'une jeune fille, seule, marche dans les ruelles de Bristol, mais parce qu'elle n'avait pas l'air de ce genre de fille. Elle avait l'air simple, une simplicité rare que l'on ne fait plus depuis longtemps. Et puis pourquoi parler au passé ? Elle l'est toujours, belle et mystérieuse.
Le tas ferraille s'arrête à un arrêt dont il a oublié le nom, la mystérieuse passante se lève avec une élégance rare et se dirige vers la porte de sortie. Elle est belle, sans même essayer. Ses cheveux sont libres et son visage parsemé de milliers de taches de rousseurs, un peu comme le ciel d'étoiles la nuit. Il a suffit qu'elle tourne la tête dans sa direction pour que le garçon fonde sous ce regard unique, des yeux à faire tomber plus d'un mec. Des yeux, un regard, rien ne pourrait comparer cela, la fusion de deux couleurs, le mélange parfait entre le sombre et la lumière, comme si cette mystérieuse jeune fille était la balance de l'univers, celle qui fait que tout est comme il faut sur terre, une déesse.
Certes, quand il était encore dans sa chambre de bonne, il s'était roulé un joint, un petit quelque chose, un petit remontant. Il en avait l'habitude, il y avait prit goût, il en avait presque besoin, c'était devenu son quotidien. Son chat, dans ces moments-là, venait ronronner à ses pieds comme pour essayer de le réconforter. Puis il l'allumait, tirait une grosse et longue taffe, laissait entrer la fumer dans ses poumons, doucement et lentement, il aimait la sentir remplir chaque parcelle de cet organe vital. Puis il recrachait. L'espace d'un instant il manquait d'air, il étouffait, puis il décidait qu'il était temps pour lui de revenir, de laisser entrer une fumée transparente qui est vitale à tous les êtres vivants ; l'oxygène. En somme, il avait le choix entre mourir étouffé ou de vivre et à chaque fois il décidé de vivre. C'était donc l'esprit embrumé qu'il avait rejoint son arrêt de bus, puis s'était assis sur ce siège trop souvent mal fréquenté. Mais d'habitude il ne voit rien, il distingue sans regarder. Et ce soir là c'est comme s'il retrouvait la vue, une vue troublée par la fumette, son esprit n'était plus là, il le sentait, il se sentait minable. A peine a-t-elle quitté le bus qu'il pense l'avoir rêvée, elle n'existe pas, elle n'existe pas, se répète-t-il, essayant de faire rentrer cela dans sa petite tête. Elle n'est qu'un mirage comme il en a vu trop de fois, il ne le reverra jamais de toute manière, elle est partie, il l'a aimé pendant quelques instants. Et comme elle, il va l'oublier bien rapidement avec le silence de sa ruelle et la douceur de son âme-sœur.
Au revoir belle inconnue, à bientôt ?

A celle qu'on voit apparaître, une seconde, à sa fenêtre et qui, preste, s'évanouit, mais dont la svelte silhouette est gracieuse et fluette qu'on en demeure épanoui. A la compagne de voyage dont les yeux, charmant paysage, font paraître court le chemin. A tous ces bonheurs entrevus, aux baisers qu'on n'osa pas prendre, aux cœurs qui doivent vous attendre, aux yeux qu'on n'a jamais revu. Alors aux soirs de lassitude, tout en peuplant sa solitude des fantômes du souvenir, on pleure les lèvres absentes de toutes ces belles passantes que l'on n'a pas su retenir.