CROQUIS PERFIDE

Terminé le temps où la ville anglaise, nimbée de rayons dorés, jouissait d'une pleine activité de jour comme de nuit. Terminé le temps où la nuit était unique synonyme d'étoile et silence et non d'insécurité et ténèbre. Terminé, Bristol est aussi noire que le cœur de ses habitants et jamais elle n'a connu de plus sinistres jours. Le couvre-feu (fausse mesure de sécurité prise par le conseil municipal) est sans arrêt bravé, les autorités s'essoufflent et plus rien n'est comme avant. Plus personne ne parle des meurtres sans craindre qu'ils ne leurs tombent dessus, on n'entend plus que le râle du vent qui se fraye un chemin entre les rues les plus étroites et balaye les plaines. Même les gens des quartiers dits « dorés » restent terrés dans leurs appartements. Il n'y a que les idiots pour sortir à la nuit tombée. Les idiots, les insensés, les jeunes et leurs lubies, leurs envies folles de rébellion. Alors les mains dans les poches de leur jeans, ils rasent les murs et respirent en silence. Ils sortent à plusieurs, feintant la solidarité. D'autres, plus expérimentés et moins lâches, se font une place dans les gangs de la nuit; du petit dealer de shit au gérant du bordel clandestin de la ville, le choix est large. Se dresse alors un croquis bien sinistre de la hiérarchie dans la ville autrefois réputée pour sa tranquillité. Un croquis au sommet duquel se trouverait la mairesse de la ville, selon certains bruits qui courent sur les pavés glaciaux de l'ancienne prospère et chaleureuse Bristol.